samedi 9 janvier 2010

The Scrap book




Poursuivie par ma fascination pour Bright Star, j'ai découvert sur le site dédié au film un lien ouvrant sur un trésor. Jane Campion explique qu'elle aimerait bien connaitre le processus de création des autres réalisateurs. De quelle manière s'y prennent-t'ils pour démarrer et aboutir à leur projet ? Elle décide alors de faire le premier pas en livrant une partie de son processus de création. Ceci sous forme de lettres, photos, et objets. Tout les éléments de recherches et de réflexions qui ont permis l'aboutissement de Bright Star. On entre avec délice dans l'intimité de la réalisatrice.

Précieux et touchant.

vendredi 8 janvier 2010

A ton étoile


J’attendais très fort le retour de la réalisatrice Jane Campion.

La leçon de Piano est, pour moi, un chef d’œuvre de sensibilité, de ceux qui donnent des frissons et qui changent le regard sur les choses. Je me souviens de Holly Hunter. Sublime Ada. Sa silhouette fragile. Ses yeux, noirs, profonds mais si expressifs que les mots sont inutiles. Et le piano, beaucoup plus qu’un simple moyen d’expression, sorte de double presque vivant. Compagnon de vie. Et la transformation d'Ada lorsqu'elle "s'unit" à son instrument. Elle est transfigurée. Elle bascule alors dans une seconde réalité, la sienne. Le personnage joué par Harvey Keitel comprend qu'il n'y a qu'une unique clef pour atteindre le monde d'Ada dont il tombe quasi immédiatement amoureux : le piano.

Lundi. 19H50.Avant première de Bright Star.

Ce qui frappe d’emblée c'est la lumière. Cette lumière si particulière qui donne toute leur intensité aux couleurs. Une lumière qui donne l'impression d'être à l'intérieur d'un tableau du XIX.
Puis le travail sur les contrastes alternant flou et net. Enfin les plans : majestueux.
Un film de Jane Campion c'est avant tout un film qui se regarde, qui se savoure des yeux et qui se ressent.
Jane filme le vent dans les roseaux, une petite fille qui cueille des fleurs dans un jardin anglais, une main gracieuse qui brode, une pièce remplie de papillons, la lumière sur les visages, le frôlement d'un tissu, deux mains qui s’entrelacent amoureusement.
C'est en lisant la biographie de John Keats par Andrew Motion que la réalistrice a eu envie de mettre en scène l'histoire vraie de la rencontre entre le poète sensible et sans le sous et sa voisine Fanny Brawne coquette et promue à un grand mariage. Elle raconte qu'elle est littéralement tombée amoureuse de leur histoire. Fascinée, elle a voulu ce film comme une ode à l'amour et à la nature :"Je me suis mise à réfléchir à l'histoire de Fanny et de John comme à une ballade, une sorte de poème narratif."
Les poèmes de Keats sont très présents dans les dialogues du films. Hommage rendu à cet auteur dont l'oeuvre ne fut reconnue qu'à titre posthume et qui mourut prématurément persuadé d'avoir échoué.
Pour incarner les deux amants, le frêle Ben Wishaw (rôle titre dans « Le Parfum ») et Abbie Cornish, acteurs encore peu connus sont choisis judicieusement. Ils habitent littéralement leur personnage de leur fraicheur et leur grâcieuse innocence. Lui ne voulant comprendre ce qui lui arrive et elle qui, bien avant lui, se laisse envahir et accepte cette passion naissante. Découvrant tout deux l'amour, ils l'inventent, se jouant des codes de l'époque et vivant leur histoire de la manière la plus romanesque qui soit. Tout est là, justement.
Jane Campion est passée maître dans l'art de filmer le Romantisme au sens noble du terme. Celui qui donne des frissons, qui donne des papillons dans l’estomac et rend les yeux brillants. Il est partout. Il est le détail d’une robe, une main posée doucement et audacieusement sur une autre, l’achat d’un recueil de poème dont la couverture est immédiatement caressée, des vers appris par cœur, une clef gardée amoureusement au creux « du sein mûrissant de sa bien aimée ». Les baisers échangés sont légers, presque un souffle mais d'une intensité rare. Il se dégage de tout cela une émotion quasi érotique.
Dans une époque où les images véhiculées sont d’une rare violence, on ne peut qu’être bouleversé par cette histoire d’amour chaste si élégamment mis en scène et dont la singulière beauté restera longtemps encrée.

"Astre brillant ! puissé-je, immobile comme tu l'es -
Non pas, resplendir à l'écart suspendu dans la nuit,
Et surveiller, les paupières éternellement redressées,
Tel un forçat de la Nature, Ermite sans sommeil,
Les eaux mouvantes, dans leur tâche lustrale,
Purifiant de leur ablution les rivages des hommes,
Ou contempler le masque floconneux, que, fraîchement
tombée,
La neige impose aux montagnes et aux bruyères, -
Non, - mais, puissé-je, toujours immobile, toujours immuable,
Posséder comme oreiller le sein mûrissant de ma bien- aimée,
Pour le sentir à jamais doucement soulever puis s'abaisser,
Eveillé à jamais en une délicieuse insomnie,
Pour entendre encore, et encore, sa tendre respiration,
Et vivre ainsi toujours - ou sinon m'évanouir dans la mort !"
J. Keats